Théâtre

Lucky 1954-1955
The Théâtre

Etudiant en art dramatique j'ai appris car tout s'apprend à dire les mots. J'ai eu la chance d'avoir très rapidement accès à la scène. Mes premiers pas au théâtre du Vieux Colombier à Paris dans une pièce "Voulez-vous jouer avec moi", cerise sur le gâteau, l'auteur très prestigieux alors, Monsieur Marcel Achard avait en personne supervisé la mise en scène.
J'ai continué et interprêté d'autres pièces. Ensuite le libertaire que j'étais n'a pu se plier aux contraintes imposées par les impressarios et autres directeurs mais je n'ai cessé d'avoir pour le théâtre et les artistes et tous ceux qui participent au spectacle un faible, très fort.
J'ai, bien des années après, eu l'audace d'écrire des pièces pour le théâtre, 5 et une 6ème et 7ème qui ne sont pas terminées.
Je vous offre de courts extraits. Jugez de mon style et si le coeur vous en dit et voulez en connaître davantage, n'hésitez pas, si vous voulez intégrer ces pièces à votre répertoire, inscrivez vos coordonnées.
Vos réactions

ROMEO ET JULIET

AVANT PROPOS

Roméo et Juliet est une pièce ayant pour thème l’Amour.
Dans un monde où la haine et l’horreur deviennent notre quotidien, l’amour tient une place prépondérante, c’est l’autre face, celle qui laisse aux hommes l’espoir d’une vie meilleure.
Même si mes héros n’ont pas le stéréotype habituel et ne ressemblent que très peu aux personnages imaginés par Sir William, ce n’est pas pour autant un pastiche de l’homosexualité.
Mon écriture s’est voulue truculente, plus rabelaisienne qu’élisabéthaine.
Le théâtre doit apporter à tous ceux qui participent la joie. Les acteurs qui s’ennuient en scène ennuient les spectateurs. J’ai cherché à créer des situations, des mouvements rapides pour permettre à tous les participants de laisser libre cours à leur tempérament. J’ai ajouté de ci de là quelques anachronismes. Ils eurent le double mérite de m’avoir amusé et de rendre hommage à tous ceux disparus et vivants qui m’ont inspiré cette forme d’humour.
Je pense à Max Révol qui guida mes premiers pas sur scène, à Pierre Dac et Francis Blanche, à Roger Pierre et Jean Marc Thibaut, à mon vieux copain Jean Yanne et bien évidemment à Jean Poiret et Michel Serrault. Sans eux, sans les chroniques de Morvant Lebesque dans le Canard qui m’enseignèrent la tolérance ; sans les poètes poétisant qui entretinrent mes premiers émois romantiques, les Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Paul Eluard, Aragon, Ce Marcel Rioutord et bien sur, l’inoubliable Jacques Prévert, j’aurai été incapable d’écrire cette pièce que je leurs dédie.

EXTRAITS

Roméo
Voyons : Signor Lupino, sa femme, ses filles et ses sœurs.
Pouah ! Que de femelles dans une seule maison. Impénétrables comme les voies du seigneur tant elles se disputent laquelle sera la plus laide.

Le comte Anselme et sa sœur
Qui des deux s’habillera en fille ? Il faudra tâter l’entrejambe pour s’en assurer sinon, malheur à l’imprudent qui voulant prendre risque d’être pris.

Madame la veuve du signor Vituve
Elle ne quittera pas le buffet avant que d’être bien repue et bien bue. Elle ira ensuite sur la paille se faire mettre par les valets. Elle est connue dans toutes les maisons par la valetaille qui s’en gausse et se réjouit le vit avec cette grosse truie.

Signor Placentio et sa nièce
Inutile d’approcher. L’oncle enfourche la nièce qui apprécie au mieux les faveurs de son tonton. Ca ne sort pas de la famille et s’il l’engrosse, ce qui ne saurait tarder, le petit ne sera qu’à peine bâtard puisque né de gens de qualité.

Mercurio et son frère Valentino
Danger, ce sont des loups. Ils chassent de concert la bête et quand ils l’ont acculée, ils l’enculent. Si tu veux profiter de la fête, protèges tes arrières. Pier Luigi donner te vaut prendre te changerai par trop !

L’oncle Durando à présent
Comme son frère il n’a engendré que des femelles. Sa femme et ses cinq filles sont invitées. La femme s’endort au deuxième gorgeon, les filles quant à elles prennent la chaleur par le bas. Il faudrait inviter une caserne de pompiers avec leurs lances pour éteindre leurs feux.

Juliet
(Juliet est en fait un jeune garçon élevé comme une fille, il en subit à la puberté les conséquences.)
Epuisée par notre nuit, j’ai dormi tout le jour. Mon sommeil ruisselait de rêves. J’allais dénudée vers ta chair éclatante. J’allais vers toi mon maître. Je gagnais sur le temps et aspirais ta vie. Mon repos refaisait la fatigue de l’amour.
Il n’y avait rien que nous. Les hommes ne sont hommes que pour aimer. L’amour dit-on rend aveugle et je n’ai jamais vu si clair.
Demain s’est affranchi d’hier. La pendule du temps nous tend les bras pour les désirs à satisfaire. Tous les désirs nous attendent dans cette vie à partager.


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LA GLOIRE DE L’OLIVE

Il y a quelques années un doux poète perdait un manuscrit.
Je ne l’ai pas retrouvé.
L’idée d’associer Saint Malachie et Guillaume Apollinaire m’est venue. Je vous suggère d’aller voir la Gloire de l’Olive.
J’y déverse ma hargne, ma jalousie, mon envie de prendre à ceux qui possède la foi, l’argent, le pouvoir.
Je n’y puis résister. Je ne suis que presque parfait.
Ce presque laissant présager le pire, ne me jugez pas hâtivement.
Les jugements m’ont toujours été fatals.
Heureusement, il y eut ce divin Georges qui, en faisant sodomiser ce magistrat par un gorille, m’a presque vengé.
Hélas, pour un juge enculé combien sont prêts à nous la mettre ?
That is the question !
Protégeons nos arrières, méfions-nous, c’est la morale de mon histoire. Gloria Olivae !
Magnanimement vôtre.


EXTRAITS

PERSONNAGES (certains ont un double ou triple rôle)

1. Saint Malachie, prophète
2. Premier ouvrier, Séminariste, Guillaume
3. Deuxième ouvrier, Séminariste, Loup Gris
4. Maquilleuse, Soeur Marie de la Compression
5. Baron Samedi
6. Ashaverus, le juif errant
7.Apollonius, le grec extraverti
8. Enoch, maréchal de la chrétienté
9. Le Pape 3,1416

Enoch
S’il faut pour mériter mon bâton de maréchal fusiller quelques milliers de soldats pour l’exemple, je n’hésiterai pas, je fusillerai ça c’est déjà fait.
Gloria Olivae et puis quoi encore ?
Je brulerai les oliviers jusqu’à la racine.
Ces hérétiques, tous à mort.
Laissez-moi faire Papissime.
La conscience est plus légère et la digestion meilleure quand on délègue à d’autres le soin de mettre les mains dans la merde.


Ashaverus
Depuis deux mille ans, ils n’ont pas changé. Quand quelque chose va de travers, c’est la faute des juifs, or, les juifs ici, c’est moi !
J e ne me suis pas sauvé d’Egypte au travers du désert, je n’ai pas échappé aux autodafés de l’inquisition, aux pogroms si joyeux des Polonais de Pologne et, plus près, aux camps d’extermination et à leurs crématoires pour me faire couillonner par le Vatican.
Naïf que j’étais de croire que parce que mes ancêtres avaient monté l’affaire de Rome que j’avais un droit aux bénéfices !
Les apôtres tous juifs non ! Et Jésus, plus juif, tu meurs !
Quand j’étais petit, les copains de Jésus, ils me disaient quand tu seras plus vieux, tu comprendras !
Mais y a-t-il quelque chose à comprendre ? Je n’en suis pas sûr !


Le Loup Gris
On a tué tout ce qui restait debout sur la place Saint Pierre.
Ca fait bien joli tous ces corps entassés les uns sur les autres, les robes blanches des petites filles contrastant sur les dessous noirs de leurs petites mamans écartelées avec ce sang qui coule bien rouge.
Mais trêve de poésie, il va falloir bruler tout ça et vite.
Les humains ne sentent pas bon quand ils naissent et ils puent quand ils meurent.

Enoch
Le succès papissime est le grand rassembleur.
Gagner cette guerre qui, comme toutes les guerres, n’avait pas de causes objectives est un plus de la réalité sur l’imaginaire.

Le Pape
Il faut prendre conscience que nos amis d’hier sont nos ennemis de demain.
Il suffit d’anticiper.
Voyez autour de vous.
Les complices lorsque les jugements arrivent s’entre-déchirent.
C’est pas moi, c’est lui. Il m’a forcé. Je ne savais pas !
Même les banquiers suisses dénoncent après s’être payés leurs commettants. L’argent sale c’est comme du sang contaminé quand on le prend c’est agréable, c’est après que la pilule devient amère. On en crève et alors on est responsable sans être coupable ou bien on est coupable mais pas responsable. C’est la théorie de la logique floue.
On est coupable à partir d’un simple degré de vérité mais cette même vérité permet d’affirmer qu’on n’est pas coupable car en tous cas la logique traditionnelle ne peut s’appliquer. On quantifie la responsabilité à partir de données subjectives, pas de quoi réveiller un corps de magistrat pendant l’heure de la sieste en début d’audience. Dans le prétoire on entend : « C’est vrai, c’est pas vrai, c’est lui, c’est l’autre et finalement c’est personne. »

Enoch
J’ai consulté les meilleurs, lu les économistes, déjeuné avec des banquiers suisses, dîné avec les gnomes de Zurich, panamé à Panama, visité des paradis fiscaux. La conclusion qui s’impose est celle-ci : Un impôt juste et équitable est un impôt accepté par ceux qui le payent et qui permet à ceux qui ne le payent pas de se foutre de la gueule de ceux qui le payent !


LA FLEUR AU COEUR DE MIEL

DIDACTALIE
La première scène du premier acte pourrait être réalisée en vidéo ; projetée sur un écran fond de scène, cela permettrait une scène plus hard avec une sexualité plus présente que lors d’une scène classique dans un cadre théâtral.
La musique doit selon Schopenhauer être : »Cette relation profonde avec l’être vrai des choses. »
La période pendant laquelle se situe l’action du premier acte correspond à un style de musique moderne (Cotton Club). Il s’affranchit du New Orléans classique et accompagne une libération des mœurs.
Ce prologue vidéo n’a pas pour but d’amener une image hard mais de mieux situer ce parisianisme dans lequel Max Jacob évolue.
La bisexualité de Max Jacob devient évidente.

PERSONNAGES :

Max Jacob
Le Christ
Cecile
La Princesse
Michou
La logeuse
Le gendarme
Le médecin

Max
Je veux aimer, souffrir, jouir
Je veux tout et son contraire
La gloire et la honte
Le succès et l'échec
L'amour et la haine
L'estime et le mépris
Le chaud et le froid
L'amer et le sucré
La rose et ses épines
La bandaison et la débandaison
Le suceur et le sucé
La gouache et la peinture à l'huile
Les femmes et les hommes
Les virils et les efféminés
Les dessous de bras qui sentent la sueur
Et les sexes qui n'ont aucun gout
Le poulet rôti et les palourdes de ma Bretagne natale
Cette Bretagne si belle si rude qui tourne le dos au vent
Et moi et moi qui ne sais plus.
La Logeuse
C'est pas d'refus, moi le jeûne j'me l'réserve pour quandj'pourrai manger à ma faim.. En attendant, j'sais où j'pourrai nous dégoter un litre de rouge parce qu'avec la viande et le camembert le rouge c'est c'qui faut. Vous, M'sieur Max, vous bidouillez vos étoiles et moi j'me charge de la boustifaille.
Vous inquiétez pas M'sieur Max, partager avec un juif moi ça m'fait pas deuil Jésus il était juif s'pas. Vous êtes quelqu'un de bien M'sieur Max. J'sais r'connaître les bons chrétiens, c'est pas votre étoile jaune qui changera quèque chose.
J'm'en vais de c'te pas dire à M'dame Marchand, qu'c'est d'accord mais qj'en veux une belle d'entrecôte. Faut pas qu'elle croye qu'on va lui faire son roroscope pour des prunes, non mais!
Si vous sortez dehors couvrez-vous bien, il fait frisquet c'matin. Déjà q'vous êtes fragile de la poitrine, c'est pas l'moment d'attraper la mort.
Un bon dîner, ça va vous requinquer, z'en avez besoin. Vous êtes pus tout jeune, faut êtes prudent.
Allez, à c'soir M'sieur Max.

Max

Souffrir est un mot plus lourd de sens qu'aimer
Aimer reste quand même le plus beau
Souffrir c'est le lot de ceux qui ont faim, qui on froid, qui sont exclus
C'est une couverture qui n'est pas partagée
C'est un sourire qui se transforme en rictus
C'est une levée d'écrou qui n'en finit pas d'être signée
C'est une dent qui branle qu'il faut arracher et qui vous manquera
C'est aussi l'indifférence qui fait souffrir
Ce sont les mots d'amour pour être aimé qui tombent à plat avec des flocs qui font penser à des chutes scatologiques !
Souffrir, c'est tout ça et plus encore
C'est le pays de Goethe et de Schiller tombé aux mains d'assassins immondes
C'est la vierge qu'ils choisissent pour servir au bordel !
C'est le fils qui mange la ration de sa mère parce qu'il n'y en a pas pour deux et qu'il est normal que les parents meurent avant l'enfant
Souffrir c'est manger ce pain gris qui n'en est pas et qu'on fait semblant de croire bon comme du bon pain
Souffrir, ce sont ses entrailles grouillant de musiques chaotiques qui sont les prémisses de l'ouverture des enfers
C'est évoquer les malheurs passés qui ne sont rien comparés aux malheurs à venir
Souffrir, c'est voir avancer comme des fantômes ces enfants juifs stigmatisés par leur étoile jaune qui vont à la mort comme ils allaient en promenade en se tenant la main, comme quand la terre était ronde, que les assiettes étaient pleines et que les grands-mères vous serraient sur leurs opulentes poitrines fleurant bon toutes les odeurs de la maison, les odeurs du propre, les odeurs du dîner du shabbat et l'odeur des bougies ornant le chandelier.
Souffrir, c'est de ne pas entendre les paroles de papa récitant les prières rituelles
C'est si loin et ça fait tellement mal
Ma souffrance c'est d'entendre tous ces cris que personne n'entend que moi
Ces cris qui vrillent dans mon cerveau comme autant de pointes acérées
C'est mon supplice de Saint Sébastien avec des flèches invisibles qui font si mal qu'on souhaite mourir pour arrêter la douleur
Car l'enfer, c'est une invention des hommes.


Jésus
Oui Max, l'enfer c'est sur terre.
A Drancy, à Auschwitz, à Mauthausen, c'est partout où l'on tue des innocents.



D’HIER ET D’AUJOURD’HUI

Atteint sur le tard par le virus de la dramaturgie, j’avais deux projets : le premier s’articulant sur la vie d’une actrice, le deuxième sur la guerre civile espagnole.
Dans la mémoire de mes vingt ans, le jeu de cette actrice, elle irradiait la scène.
Pour les guerres j’ai changé d’avis, aucune ne se justifie mais je suis toujours une graine d’anar et l’envie d’écrire sur l’Espagne de cette époque m’a poursuivie.
Comme j’ai tardé quelques dizaines d’années pour concrétiser cette ambition, il fallait trouver un titre approprié. « D’Hier et d’Aujourd’hui ».


PERSONNAGES :

L'Actrice
Marie
Jean
EXTRAITS

L'Actrice

N’est réellement mort que celui ou celle auquel on ne pense plus.
Lorsque plus personne n’a, ne serait-ce qu’une pensée fugitive pour l’absent, plus personne ne l’évoque ne se souvient de lui dans le silence de son cœur alors là, c’est la vraie mort.
Il faut parler aux disparus ça les réconforte, les fait sortir de leur engourdissement.
Un mort c’est un vivant virtuel, on peut le faire évoluer dans son univers, il suffit de l’aimer un peu.
Les morts sourient lorsque nous sommes drôles et ils sont heureux quand nous le sommes.
Combien de fois m’est-il arrivé sur scène de penser à maman. Je joue pour elle. Elle adore. Elle est tellement heureuse de voir que j’ai fait de ma vie ce que je lui avais promis d’en faire.
Ils sont faciles à vivre les morts.

Marie
Madame vous me faites frissonner. Vous parlez des trépassés comme s’ils existaient.

L'Actrice
Il arrive, je reconnais son pas.
4 nuits que je dors seule.
Depuis la guerre chaque fois que je le quitte des yeux j’ai peur de ne plus le revoir.
Cela fait 30 ans que chaque jour sont des moments de fête.
Jamais son corps ne m’a laissé insatisfaite.
Jamais sa présence ne m’a laissé indifférente.
Nous avons partagé chaque seconde, chaque levé du soleil et chaque clarté de lune.
Nous n’avons pas eu d’enfants, nous sommes les enfants l’un de l’autre.

Nous les femmes plus fortes sur la fin de nos jours, nous supportons mieux que nos hommes
le poids des ans.
Je l’aurai choyé, j’aurai coiffé les longs cheveux blancs du patriarche qu’il serait devenu.
Je lui aurai préparé les pantalons de velours noirs qu’il a toujours affectionnés.
Je lui aurai ciré ses chaussures de montagne pour l’hiver, repassé sa chemise blanche des dimanches et brossé son beau chapeau de feutre celui qu’il portait déjà pour notre premier bal.
Quelle tristesse de penser que notre vie s’achèvera si tôt.
Nous n’atteindrons pas l’âge ou les anciens meurent seulement lorsqu’ils atteignent l’âge où il faut bien mourir.
Quelle horreur que la guerre !
Génération après génération, les hommes préparent la destruction des hommes tandis que les femmes inlassablement mettent au monde des enfants marqués dès leur naissance du sceau de la mort qui les guette.
Est-ce que cette ronde infernale s’arrêtera un jour ?
Tous les peuples du monde unis contre le malheur auront-ils la force de stopper l’hécatombe de
leurs frères ?
Sauront-ils changer les gestes de violence en gestes d’amour ?
La compassion vaut plus que la doctrine, toutes les doctrines.


L'APOTRE LIBERTAIRE
BUENAVENTURA DURRUTTI

Cette pièce n'est pas terminée, au delà de la vérité historique il y a des attendus politiques et philosophiques qu'il convient de traiter avec circonspection. La guerre d'Espagne fut le prologue de la deuxième guerre mondiale où s'affrontèrent le capital et le monde d'en bas. Comme toujours ces derniers, quelque soit la langue qu'ils employaient pour s'exprimer, furent les victimes.
Je n'ai pas encore déterminé le nombre des acteurs, je vais tenter de réduire pour permettre un plateau accessible financièrement à des compagnies théâtrales qui ne disposent que d'une caisse "légère".

Durrutti
Vous les commissaires politiques vous êtes des intellectuels fourvoyés, vos phrases sont prudentes, examinées sous tous leurs angles, vous employez des mots qui échappent à la compréhension des ouvriers. Vous parlez aussi clairement que les curés quand ils prêchent en latin.
Ils emploient d'autres mots mais la musique est la même.
Vous oubliez une chose, les ouvriers dont je fais partie par naissance ne savent pas déchiffrer les partitions, ils chantonnent Avé Maria, chez nous vive le parti, certains vive Jésus Christ, d'autres vive Lénine finalement, c'est la même chose ; ce sont des abstractions.
Moi, quand je leur parle politique je parle de l'argent qui devrait être à eux puisqu'ils l'ont gagné à la sueur de leur front. Je ne cherche pas à leur plaire, je ne les caresse pas dans le sens du poil parfois, ils m'engueulent, je fais partie de leur univers quotidien.
Avez-vous jamais entendu chez vous quelqu'un dire de Lénine : "Il nous emmerde!".
Vous comprenez la différence entre vous et moi ?
Vous parlez russe, les curés latin, moi je parle ouvrier.
Ce language ne s'apprend pas à l'école mais à l'usine, à la maison, aux champs, partout où vivent des hommes qui s'échinent au travail pour survivre à peine puisque toutes les fortunes sont entre les mains des mêmes familles depuis des siècles.

Mercedes

Tu parles malgré tout comme un curé sans soutane du haut de sa chaire. L'apôtre libertaire c'est le surnom qu'on te donne dans la rue, c'est vrai que ton combat ressemble à une croisade.

Durrutti
J'essaie d'orienter les miens dans une voie différente. Je voudrais qu'ils prennent leur destin, leur vie en main, qu'ils la contrôle, c'est tout le contraire des croisades où de pauvres hères trompés par le pouvoir politique étaient entraînés dans une aventure dont la plupart ne revenaient jamais.

Mercedes

Excuse-moi Buenaventura pour cette comparaison si elle te choque. Tu sais comme beaucoup de femmes du peuple j'ai appris à lire dans le livre de messe de ma mère qui, elle-même avait appris dans celui de sa mère.
Forcément mes mots ont une ressemblance avec la religion. Je suis convaincue que ton combat est aussi le mien. J'ai soutenu mon mari dans les grêves alors que je pressentais le pire. Veuve à trente ans avec des enfants à élever, ce n'est pas une condition idéale pour s'épanouir mais une raison pour lutter. Je continuerai quoiqu'il en soit aux côtés de mes frères et soeurs d'infortune.


Durrutti
Tu es une vraie femme du peuple, tu nous fais honneur.

Mercedes
Je m'efforce d'apporter mon soutien à une cause qui est juste. Mais toi, l'apôtre, ton destin sera tragique, des hommes comme toi ne finissent jamais leur vie au coin du feu en fumant leur pipe.

Durrutti
Non, ils la cassent en se battant.

Mercedes
Notre vie est déjà tracée, moi j'aurais eu une nuit d'amour à travers toi avec la révolution. Quand je serai vieille, si je le deviens, je me rappellerai le son de ta voix, ton odeur, le poids de ton corps sur le mien et le plaisir partagé avec un homme d'exception.
Buenaventura Durrutti, que le Bon Dieu des pauvres te bénisse, va, adieu.


Ascaso
Un révolutionnaire ça meurt debout, les armes à la main ou traîtreusement assassiné d'une balle dans le dos. Ca meurt pendu dans sa cellule.
Ca meurt comme ça peut, à la va comme je te pousse, en douce, sans faire de vagues, les tripes à l'air, ça meurt jamais comme un bourgeois apoplectique, un verre à la main et une pute sur chaque genou.
Ca n'a pas d'enterrement de première ni même de troisième classe, ça finit dans un trou sans linceul.
Son uniforme, lorsqu'il en porte, bien crade, bien troué lui sert de cercueil.
La mort d'un révolutionnaire, c'est toujours tragique, injuste, ça sent toujours la trahison, l'argent, la merde et la sueur. C'est ainsi que Durrutti est mort mais c'est comme ça que je voudrais finir aussi. Si j'ai la chance de la voir venir cette putain de mort, je gueulerai avant de toutes mes forces.
Vive la révolution ! Viva la muerte ! Vive la liberté !

Luis (en colère)
- Hombre, que te pasa ?
Ramon
- Je ne crois pas qu'il faille entretenir la haine envers ceux d'en face, évidemment ce sont des fascistes, assassins mais ils sont pour la plupart espagnols, fourvoyés, c'est sûr, soudoyés par les forces du capital.
Après les guerres car il y a toujours un après, vainqueurs ou défaits il faudra de nouveau vivre ensemble.
Si nous laissons la haine nous envahir, nous dépasser, il sera impossible à nos enfants de reconstruire notre si beau pays.
En détruisant, on gagne les guerres mais reconstruire la paix c'est bien plus difficile ne n'oublions jamais.




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